LE PROGRAMME DE PRéVENTION DES DéPENDANCES ENCORE BOUDé PAR CERTAINES éCOLES QUéBéCOISES

Environ une école secondaire sur cinq au Québec ne participe toujours pas au programme de prévention des dépendances, alors que la Société canadienne de pédiatrie est préoccupée par le nombre de surdoses chez les jeunes. Pourtant, depuis 2019, le gouvernement Legault finance ces ateliers qui sensibilisent les jeunes aux dangers des drogues potentiellement mortelles. Des informations qui peuvent sauver des vies.

Alexia Noël, cheffe d’équipe du programme de prévention des dépendances de La Maison de Jonathan, un organisme basé à Longueuil, explique que les ateliers se basent sur l'approche de réductions des méfaits. C'est comme tout dans la vie. Plus tu as de connaissances sur un sujet, plus tu es en mesure de prendre les meilleures décisions, note-t-elle.

Or, environ 20 % des écoles québécoises n'offrent toujours pas ces ateliers, cinq ans après leur création, bien que la Société canadienne de pédiatrie estime que les surdoses se multiplient chez les jeunes.

La première cause de mortalité chez les adolescents, ce sont les surdoses, lance Dr Nicholas Chadi, spécialiste de la médecine de l'adolescence et chercheur spécialisé en toxicomanie au CHU Sainte-Justine. Environ 2 % des victimes de surdoses au Canada ont moins de 18 ans, ajoute-t-il.

Des écoles réticentes

Même s'il s’agit d’un programme provincial destiné à l’ensemble des écoles secondaires du Québec, toutes n’y adhèrent pas. Il semble que bon nombre d'écoles privées, ou encore certaines à vocation religieuse, ne participent pas au programme de prévention des dépendances, malgré son financement par le gouvernement Legault. Le hic, c’est que l'adhésion au programme est fondée sur la bonne volonté des centres de services scolaires (CSS).

C'est important de sensibiliser les écoles [...] et je crois que tout le monde devrait lever la main. En tant que ministre responsable des Services sociaux, je ne peux pas l’imposer dans les écoles, mais plus on en parle et plus ça va se déployer, espère le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant.

Ce n'est pas possible de penser que dans certains types d'écoles, il y n'a pas de problème de drogue, croit le ministre Carmant, en insistant sur le fait qu'il faut continuer à inciter les CSS et les écoles secondaires à ouvrir leurs portes au programme et à profiter de ses bienfaits.

Dans tous les milieux, on retrouve de la drogue, donc c'est important de sensibiliser tous les enfants, quelle que soit la religion, quel que soit le statut social, quelle que soit l'origine ethnoculturelle. C'est un problème qui touche toutes nos communautés, insiste le ministre. Je pense que c'est important que ce soit déployé auprès du plus d'enfants possible et dans le plus d'écoles possible, poursuit-il.

Un manque de financement dénoncé

L’Association québécoise des centres d’intervention en dépendance (AQCID) montre du doigt le manque de financement.

À l’heure actuelle, une subvention annuelle de 15 M$ est octroyée pour la prévention de la dépendance dans les écoles, issue du Fonds de prévention et de recherche en matière de cannabis (FPRMC). Ce fonds, alimenté par les profits tirés de la vente de cannabis, qui totalisait 95 millions de dollars l’an dernier, verse également 15 millions de dollars pour la prévention des problèmes de santé mentale dans les écoles, par exemple. Pourtant, la loi stipule que la province devrait investir la majeure partie du FPRMC dans la prévention des dépendances.

Le fonds est utilisé pour de la prévention à tous les niveaux, répond le ministre Carmant. On parle surtout d'un fonds de dépendance, car il y a toutes sortes de dépendances à prévenir. Il y a une partie des fonds qui va en santé publique, mais il y a beaucoup d'argent qui va dans d'autres directions, comme celle des organismes communautaires, explique-t-il.

Une fois que toutes les écoles seront couvertes [par les ateliers de prévention], on pourra toujours ajuster le budget si nécessaire, notamment afin d’intervenir dès le dernier cycle du primaire, fait valoir le ministre Carmant.

Une indexation qui n’arrive pas à bon port

L’AQCID dénonce également l’incohérence dans l'octroi de l’indexation de la subvention de 15 M$ en matière de prévention en milieu scolaire au cours de l’année 2023-2024.

En octobre 2023, le ministre Carmant a en effet indexé de 3,7 % cette subvention afin que les organismes communautaires oeuvrant dans le secteur des dépendances et de l'usage de substances puissent déployer leurs efforts dans les écoles secondaires malgré les effets de l'inflation, l'augmentation du nombre d'élèves sur les bancs d'école et compte tenu de la crise des opioïdes qui sévit au Canada.

Or, le directeur national de la santé publique, Dr Luc Boileau, mentionne en commission sur la santé et services sociaux, le 18 avril dernier, que seulement un peu plus de la moitié des organismes communautaires ont reçu cette indexation.

Il est tout à fait inacceptable que le ministre Carmant octroie des sommes pour maximiser les services aux élèves, mais que celles-ci ne soient pas transférées aux organismes communautaires par les CISSS et CIUSSS. Cela impacte directement les services offerts en matière de prévention dans les écoles et ce sont nos jeunes qui en paient le prix, dénonce la présidente du conseil d’administration de l’AQCID, Valérie Hourdeaux.

À la lumière de cette information, l’AQCID et ses organismes membres ont effectué les démarches nécessaires pour obtenir leur dû. Or, nombreux se sont vu refuser l’octroi de leur indexation en s’adressant à leur centre intégré.

Nous avons contacté notre CIUSSS et ce dernier nous a répondu que cette situation était due à une case non cochée qui fait en sorte que notre région ne touchera pas cette indexation. La somme qui devait nous être attribuée équivaut à 30 000 $, ce qui pourrait impacter un millier d’élèves, explique Émilie Poisson, directrice générale d’Action Toxicomanie, un OBNL de Victoriaville dont les interventions visent à prévenir les dépendances et à promouvoir les saines habitudes de vie.

Ça ne devrait pas être le cas, certifie le ministre Carmant. Si les sommes ont été indexées dans certaines régions, elles auraient dû l'être partout. On va demander des vérifications. [...] Mais le ministère ne peut pas financer les organismes communautaires directement. On doit envoyer l’argent aux CISSS et aux CIUSSS.

Impossible de confirmer où ces sommes ont atterri et si elles sont restées dans les mains des directions de santé publique, mais chose certaine, elles ne se sont pas toutes rendues aux organismes, assure l’AQCID.

Avec les informations d'Elyse Allard

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