LES JUGES MILITAIRES CONTINUERONT DE PRéSIDER LES COURS MARTIALES, TRANCHE LA COUR SUPRêME

La Cour suprême du Canada a rejeté vendredi les appels intentés par neuf membres des Forces armées canadiennes (FAC) faisant face à diverses accusations qui contestaient d’être jugés par des magistrats ayant un statut militaire en cour martiale.

Selon eux, le fait que leur procès soit présidé par un juge militaire violait leur droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial qui est garanti à tout inculpé par la Charte canadienne des droits et libertés.

Dans une décision rendue à six voix contre une, la majorité des juges du plus haut tribunal au pays a rejeté ces appels.

Le système de justice militaire canadien garantit pleinement l’indépendance judiciaire des juges militaires d’une manière qui tient compte du contexte militaire, et plus particulièrement des politiques législatives visant à maintenir la discipline, l’efficacité et le moral au sein des Forces armées ainsi que la confiance du public dans une armée disciplinée, peut-on lire dans le jugement de l’affaire R. c. Edwards.

Les cours martiales sont chargées de juger les infractions d’ordre militaire, qui comprennent des infractions particulières au personnel militaire.

Selon la Loi sur la défense nationale, ces tribunaux sont présidés par des juges militaires qui doivent être avocats et officiers militaires depuis au moins 10 ans et qui possèdent au moins 10 ans d’expérience comme officiers.

Une cour martiale est constituée d’un juge militaire et d’un comité de cinq militaires des FAC, qui sont sélectionnés au hasard par l’administrateur de la cour martiale, indique le ministère de la Défense nationale. Ce comité joue un rôle similaire à celui d’un jury lors d’un procès civil, tandis que le juge militaire prend toutes les décisions d’ordre juridique et impose la peine. Le comité doit arriver à une décision unanime sur tout verdict de culpabilité.

Les neuf plaignants remettaient en question l’indépendance des officiers chargés de les juger. Ils clamaient que la loyauté des juges militaires était partagée entre leurs statuts de juge et d’officier, ce qui avait pour effet de les détourner de l’exercice adéquat de leurs fonctions judiciaires et de les exposer aux pressions de la chaîne de commandement.

La Cour suprême juge toutefois que les droits des militaires accusés n’ont pas été violés.

Aucun juge n’est au‑dessus de la loi, rappelle encore la Cour.

La juge Andromache Karakatsanis a été la seule à exprimer une opinion dissidente. Selon elle, l'indépendance judiciaire est compromise par le risque d’influence de l’exécutif militaire sur les juges.

Il n'existe pas suffisamment de séparation institutionnelle – ou d'indépendance – entre le rôle du pouvoir exécutif et celui du pouvoir judiciaire, écrit la juge Karakatsanis. Les membres des Forces armées canadiennes inculpés n'ont pas la garantie de subir un procès devant un tribunal indépendant et impartial [...] étant données les pressions exercées sur les juges militaires à titre de maillon de la chaîne de commandement.

Les neuf membres des Forces canadiennes à l’origine de l’appel sont notamment accusés d’infractions militaires au code de discipline. L’un d’eux, un artilleur, est accusé de trafic de cocaïne et quatre autres, dont une caporale, sont jugés pour agression sexuelle.

Les crimes sexuels relèvent, pour le moment, des cours martiales

Les crimes sexuels impliquant des militaires relèvent jusqu’à présent du champ de compétence des cours martiales, mais cela pourrait changer si le projet de loi C-66, modifiant la Loi sur la défense nationale, était adopté.

Ce projet de loi, déposé en mars par le ministre de la Défense nationale, Bill Blair, conférerait désormais aux autorités judiciaires civiles la compétence exclusive d’enquêter sur les crimes de nature sexuelle commis dans les rangs des FAC et d’en juger les auteurs devant des tribunaux civils.

Cette modification majeure à la loi militaire découle d’une recommandation de la juge Louise Arbour, mandatée en 2021 par le gouvernement Trudeau pour examiner le traitement des inconduites sexuelles dans l’armée.

Note

Des passages apparaissant dans la première version de cet article ont été retirés parce qu'ils présentaient non pas l'opinion de la Cour suprême, mais les motifs dissidents d'une des juges. Nous avons fait état de l'opinion exprimée par cette dernière dans une autre portion du texte.

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