GRIPPE AVIAIRE : PRUDENCE FACE à L’ARRIVéE DES OISEAUX MIGRATEURS AU NUNAVIK

Alors que les bernaches et les oies ont commencé leur migration vers le nord, les autorités sanitaires du Nunavik demandent aux chasseurs de demeurer vigilants face aux animaux potentiellement atteints de la grippe aviaire H5N1, qui circule à grande vitesse sur le continent depuis 2022.

Il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter du risque de contamination chez les êtres humains pour le moment, puisqu'il est très faible, selon les experts.

La chasse demeure sécuritaire lorsque les bonnes précautions sont prises.

La Santé publique régionale demande par exemple d’éviter de chasser les animaux qui semblent malades. Ils peuvent être identifiables par un comportement étrange, et une incapacité à voler normalement.

La Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik (RRSSSN) demande aussi de bien faire cuire la viande et les oeufs récoltés. Il importe aussi de se laver les mains à l’eau chaude après les avoir manipulés, et de porter des gants.

Les yeux et les oreilles des scientifiques

Face à l’immensité du territoire et sa faible densité, les chasseurs sont devenus des alliés importants des scientifiques qui surveillent l’évolution de la maladie.

Dans la région, c’est le Centre de recherche du Nunavik qui tient ce rôle. Les équipes du centre ont commencé à suivre l’évolution de la grippe aviaire H5N1, dès les premiers signes de contamination sur le continent en 2021.

L'hécatombe dans les colonies de fous de Bassan en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine l'année suivante avait suscité quelques craintes quant à une éventuelle propagation dans la région.

Les oiseaux migrateurs sont une source de nourriture très importante pour les communautés inuit du Nunavik.

Il y a eu des drapeaux rouges qui se sont levés, en disant, qu’est-ce qui se passe, qu’est-ce qu’on va faire avec ça? Il y avait encore beaucoup d'inconnus sur cette souche de grippe aviaire, explique la spécialiste en maladie de la faune au Centre de recherche du Nunavik à Kuujjuaq, Géraldine Gouin.

Les scientifiques ont alors demandé aux chasseurs de rapporter tout oiseau qui semblait avoir été touché par la maladie. Les scientifiques envoyaient ensuite les oiseaux au centre de recherche du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) à des fins d’analyse.

La première année, on n’en a pas détecté dans la région. Mais ça ne voulait pas dire qu'il n'y en avait pas. Le territoire est tellement vaste, les gens ne tombent pas nécessairement sur des oiseaux morts ou malades, explique Géraldine Gouin.

Deux cas ont finalement été détectés l’année dernière près de Kuujjuaq. Depuis, les recommandations ont changé, et les scientifiques demandent de laisser l’oiseau sur place et de simplement rapporter sa position.

Il y a des risques supplémentaires pour l’humain qu’on ne veut pas prendre pour rien. Dépister quand on a autant de cas, c’est un peu un coup d'épée dans l’eau. C’est un risque qu’on aime mieux éviter, ajoute la scientifique Géraldine Gouin.

Transmission chez les mammifères

L’épidémie de grippe aviaire H5N1 semble perdre un peu de son élan face aux populations d’oiseaux sauvages. Après avoir fait des ravages dans les deux dernières années, les oiseaux développent progressivement une certaine immunité collective face au virus, selon les experts.

On passe d’une phase épidémique à une phase endémique, où le virus se maintient un peu comme en dormance. [...] C’est un peu comme la COVID, où on a encore des cas, mais seulement de manière occasionnelle et qui ne va pas nécessairement causer de la mortalité, explique Stéphane Lair, professeur à la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal et directeur du Centre québécois sur la santé des animaux sauvages.

Malgré cette tendance encourageante, la grippe aviaire n’a pas dit son dernier mot. Dans les derniers mois, le virus a été en mesure de franchir la barrière des espèces aviaires et de contaminer les mammifères.

Ça a été le cas notamment chez plusieurs phoques, qui étaient à proximité des populations d’oiseaux aquatiques, et aussi chez au moins un ours polaire en Alaska, qui aurait peut-être consommé des oiseaux contaminés.

Plus récemment, le virus a été détecté dans un grand nombre d’échantillons de lait de vache aux États-Unis, ce qui suggère une contamination grandissante chez les bovins.

Ces événements démontrent la capacité du virus à évoluer, ce qui représente un risque sanitaire potentiel.

Les autorités en santé publique vont continuer de faire une surveillance pour détecter les mutations qui pourraient faire en sorte que le virus pourrait devenir plus dangereux pour l’homme. [...] C’est vraiment ce qui sera intéressant de surveiller, ajoute le professeur Stéphane Lair.

Quant au risque pour la faune du Nunavik, il est encore difficile à évaluer. Toutefois, les animaux carnivores ou charognards sont les plus susceptibles d’être atteints, car ils peuvent manger des oiseaux malades.

Pour les autres animaux nordiques, comme les caribous ou les bœufs musqués, la contamination est toujours possible.

Ça serait quand même étonnant, parce que les caribous n’ont pas tendance à manger des oies. Ceci étant dit, oui ils pourraient s’infecter dans leur environnement. Toutes les espèces sont potentiellement à risque. Mais présentement, ce qu’on voit au Canada et au Québec, c’est que ça semble surtout arriver à la suite d’une consommation de carcasses et non pas de contacts directs, conclut Stéphane Lair.

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